- le Rex


Le Rex est le seul cinéma de notre série, qui existe encore.

C'est en grande partie aux Archives municipales que nous avons trouvé la matière nécessaire pour évoquer son histoire. Nous nous sommes en particulier inspirés pour débuter d'une courte note rédigée par Martine Chavent, alors qu'elle était Conservateur du Patrimoine.

En août 1935, Mr Christian Mallet, négociant demeurant à Brive 5 place Krüger (actuelle place Latreille - il était l'un des fils de Paul Mallet, l'épicier et droguiste bien connu sur la même place) demande aux services de la voirie de faire supprimer un arbre du boulevard Carnot (c'est l'actuel boulevard Général Koënig, qui fut aussi connu un temps sous le nom de boulevard Maréchal Pétain), et déplacer un banc qui gênaient la sortie de sa propriété. Il venait en effet d'acheter "le terrain Pradel", à coté de la banque de France, pour y faire construire un cinéma.

(Doc. Archives municipales de Brive - cote 1I 102)
Papier à en-tête du Rex à l'adresse du 3 boulevard Maréchal Pétain.

Les travaux commenceront dans la foulée, sur des plans de l'architecte C-J. Villiéras. L'établissement sera construit dans le style art-déco, en faveur dans les années 1930, appelé parfois familièrement "style paquebot". Il se caractérise par des formes géométriques pures, un abandon de l'ornement, et l'emploi du béton. De nombreuses salles de cinéma ont été réalisées à l'époque dans cet esprit, notamment aux États-Unis et en France.


<=== A gauche, le Rex flambant neuf (Col. Maryse Chabanier)



Ci-dessus, une vue d'ensemble de l'extérieur du Rex (Col. M. Chabanier).
L'affiche de part et d'autre de l'entrée nous révèle le programme :
le film américain "La Légion Noire" sorti en 1937,
avec Humphrey Bogart et Ann Shéridan, un film qui dénonce les agissements du Ku-Klux-Klan.




DÉBUT D'EXPLOITATION : DES INCOHÉRENCES

Nous devons avouer que malgré de longues recherches tant à Brive qu'aux Archives départementales, nous n'avons pas réussi à déterminer -preuve à l'appui- la date du début d'exploitation du Rex. Nous avons en particulier parcouru la presse locale entre 1934 et 1939 : aucune trace de l'ouverture de la nouvelle salle ou de son inauguration.

Plusieurs dates sont pourtant citées dans Brive par les uns ou les autres, mais aucune preuve, aucune source, ne vient étayer ces affirmations, d'ailleurs souvent contradictoires.

L'année 1938 semble tenir la corde pour l'instant (depuis le 2° semestre 2014), un choix que nous ne partageons pas. Le film de Pierre Chenal "L'affaire Lafarge", sorti dans les salles le 9 mars de cette année là, avec pour vedettes Marcelle Chantal dans le rôle principal, Pierre Renoir, Raymond Rouleau et Eric Von Strohein, aurait été projeté à l'occasion de l'inauguration. Cette projection a bien eu lieu le 21 février en avant-première mondiale au Rex, en présence de la presse parisienne et internationale, mais sans aucun rapport avec une quelconque inauguration du cinéma. Jusqu'au dernier moment la ville de Tulle était sur les rangs pour accueillir cette prestigieuse projection, mais on lui préféra Brive en raison de meilleures liaisons avec Paris. Les projections se poursuivront au Rex jusqu'au 3 mars.


<=== L'affiche du film "L'affaire Lafarge", réalisée pour la projection en avant-première mondiale à Brive.
(Doc. Archives municipales de Brive/Cinémathèque du Limousin à Limoges)

L'affirmation d'un début d'exploitation en 1938 est battue en brèche par les informations de la presse départementale qui diffusait la programmation des séances cinématographiques du Rex ... depuis 1937 au moins !  Ainsi  La Croix de la Corrèze dans son numéro 2299 du 26 septembre publie un article élogieux accompagné d'une "réclame" sur le film "La charge de la brigade légère", projeté au Rex du 23 septembre au 3 octobre 1937. Dans le numéro 2304 du 31 octobre, c'est "Arsène Lupin détective" dont la projection est annoncée, puis "Roméo et Juliette". On trouvera aussi avant la fin de l'année "Prends la route", "Les petites alliées", "Trois, six, neuf", ... souvent dans la rubrique "Programme réservé à un public averti"  !!









Et d'ailleurs, à l'entrée même du cinéma, en bordure du boulevard, une oriflamme, genre kakémono (photo ci-contre), indique bien  l'ouverture du cinéma en ...1936.    (Cliché JPC - mai 2015)

Nous confirmons donc que c'est une erreur, une "fake news"  comme on dit maintenant, que d'associer  la projection  du film "L'affaire Lafarge" avec le début d'exploitation du Rex.

                                                                         

Mais, qui donc nous apportera les informations précises que nous recherchons sur l'inauguration de la salle, et la preuve qui nous manque ?



*


La commission communale de sécurité qui a visité l'établissement le 7 février 1941 en fait la description suivante :
"La salle de spectacle se compose d'un rez-de-chaussée et d'un balcon et peut recevoir 800 personnes. On accède à l'entrée de la salle du bas par 3 portes largement ouvertes sur le hall. L'accès du balcon se fait au moyen d'escaliers de pierre d'une largeur suffisante pour permettre l'évacuation rapide du public.
Au premier étage se trouve également un bar. La cabine de l'opérateur et la cabine de rebobinage sont installées au-dessus du bar et sont complètement indépendantes de la salle de spectacle.
A l'intérieur de la salle nous trouvons 2 sorties de secours à droite et à gauche directement au début de la salle, ainsi que 2 autres sorties de secours vers la scène. En résumé, la salle du rez-de-chaussée dispose de 5 sorties, ce qui permet un dégagement extrêmement rapide du public.
En ce qui concerne le balcon, en plus des 2 entrées principales, nous trouvons également 2 sorties de secours de part et d'autre de la salle, donnant accès à une terrasse".

Comme nous venons de le voir, le cinéma ne possédait alors qu'une seule salle, avec parterre et balcon. Les feuilles de location correspondantes nous permettent de visualiser les accès, la disposition des sièges, des allées, et l'emplacement de la scène :



A gauche, le parterre.



A droite, le balcon.



(cliquez sur les images
pour les agrandir)



(Doc. Archives municipales de Brive - cote1I 102)








En 1942, Mr Mallet divorce. Son épouse Mme Renée Lacoste rachète le cinéma et dès lors se consacrera à sa gestion. En 1950 déjà, puis en 1954 à nouveau, elle demande l'autorisation d'agrandir la cabine de projection. En 1955, puis en 1958, elle dépose une demande de permis de construire une maison, devant le cinéma, au dessus du passage d’accès vers son entrée. Les plans seront établis par Mr Croizet, architecte à Aurillac.

(Cliché JPC - avril 2015)

Si Mme Lacoste disposait ainsi d'un domicile sur place, la perspective sur le bâtiment était complètement détruite.

Plus tard, dans les années 1960, lorsque Mme Lacoste souhaitera se retirer de la gestion de l'établissement, Mr Vignaud de Périgueux prendra la suite. D'autres propriétaires suivront. L'établissement sera aussi sous le contrôle du groupe C.G.R. de 1989 à 2002.

Pour rentabiliser l'affaire, de gros travaux seront réalisés au début de l'année 1980, avec la construction d'un complexe de trois salles, dans le même volume ou presque : pour loger la salle de projection nouvelle, un agrandissement devra quand même être réalisé, sur la partie gauche du toit en terrasse.
Ainsi disparaissait toute l'esthétique du bâtiment, voulue par l'architecte-concepteur.
L'inauguration des trois nouvelles salles de 400, 180 et 100 places aura lieu le 19 novembre 1980.

(Cliché JPC - avril 2015)
L'agrandissement réalisé pour implanter la nouvelle salle de projection.

Si l'on ajoute qu'aucun ravalement extérieur n'a été effectué depuis cette époque là, il a maintenant triste allure notre Rex, pour celui qui lève tant soit peu les yeux pour découvrir son architecture.
Heureusement l'intérieur est beaucoup plus accueillant, cosy dirons-nous. Après les 3 salles, c'est le foyer ou patio qui a été entièrement réaménagé de façon fort sympathique.























(Clichés Cinéma Rex)

Les travaux de rénovation de la grande salle en mars 2011.

(Cliché J. N. - janvier 2013)
La grande salle, lors d'une conférence du webmestre du site faite pour L'UTATEL.
Elle a été construite à partir de l'ancien balcon.


La Ville de Brive a racheté le Rex en 2002, et l'établissement est devenu cinéma d'Art et d'Essai.
Témoin de son temps, depuis 2005 le bâtiment est inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques.


COMPLÉMENTS DE SEPTEMBRE 2016 :

Le dépliant qui suit, reproduit recto et verso, en quatre parties, date de 1937. Il fait partie des collections de notre complice M. V.
Il nous présente le cinéma et son programme, à la fois par le texte et les images.








(Col. M. V.)






















(Col. M. V.)











Il a aussi pour ambition de rassurer le futur spectateur, inquiet peut-être des risques qu'il pourrait encourir en pénétrant dans cet établissement d'un genre tout nouveau pour l'époque. On y lit en effet :

"Une machinerie spéciale dont l'installation et la création sont dus à la maison Arthur Martin de Paris, permet dans la salle et dans le bar, un renouvellement continu de l'air qui y pénètre aseptisé et désodorisé à une température constante de 19° centigrades en toutes saisons.
Grâce à l'installation à l'électricité et au gaz d'éclairage, l'air de la salle est entièrement renouvelé toutes les minutes, ce qui permet aux fumeurs de se livrer à leur plaisir favori sans incommoder leurs voisins et sans nuire à  la projection".


"Afin d'assurer à notre public le plus grande sécurité contre l'incendie, tout a été étudié avec le plus grand soin. Le bâtiment est entièrement construit en béton armé à l'épreuve du feu et pourvu de nombreux postes d'incendie des modèles les plus récents. La salle est dotée de six sorties de secours et peut être évacuée complètement en trois minutes.
Soucieux d'être agréable à sa clientèle, la direction du cinéma REX sera reconnaissante aux spectateurs qui voudront bien lui faire connaître leurs suggestions et leurs critiques. D'avance elle les remercie".

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Dans l'extrait de carte postale aérienne qui suit faisant elle aussi partie des collections de M. V., le REX apparait sous un angle totalement inconnu (bâtiment cerclé de rouge) :

Cliquez sur l'image pour l'agrandir (Col. M. V.)

Il est ici vu de l'arrière. Construit dans le "style paquebot", il apparait vraiment là comme un bateau, avec son étrave, solidement amarré au quai que constitue la Banque de France voisine.

 
En mars 2021, nous avons consacré une deuxième grande page au cinéma REX, avec des photographies surprenantes. C'est en cinquième partie du site, et c'est ici : CLICK.

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