- le retour du 126° R.I. à Brive, en 1919, après sa campagne d'Italie



 
Préambule :

A partir du 8 août 1914 le 126e régiment d'infanterie de Brive sera de toutes les grandes batailles de celle qu'on a appelée "la Grande Guerre" : Ardennes, Artois, Verdun, Somme, Champagne,... Les troupes du régiment briviste seront ensuite désignées en novembre 1917 pour intervenir sur le front italien afin de soutenir l'armée du pays, face aux troupes austro-hongroises; leur action sera décisive.

Et des lieux restent tout particulièrement gravés dans les mémoires, ceux qui sont brodés en lettres d'or sur le drapeau du régiment, aux côtés de La Bérézina (1912) : Artois 1915, Auberive 1917, Italie 1918.

Mais le 126e déplorera dans ses rangs pas moins de 2843 morts !

Notre propos n'est pas de raconter ici ces 5 années de combat, mais plus modestement, de retracer au mieux ce que fut le retour du 126 dans notre ville de Brive. Celui-ci était intervenu plusieurs mois après la fin des combats, à la suite d'un armistice signé entre l'Italie et l'Autriche, qui prenait effet le 4 novembre 1918 à 15 heures.

Nos sources seront nombreuses. Essentiellement :
- L'hebdomadaire La République : numéros 6372 et 6374 des 31-7 et 14-8-1919 (AD19 cote 68Pr 32);
- Les Carnets de Marguerite Genès, publiés par les Archives municipales de Brive (extraits du 28-7-1919);
- L'historique du 126
e RI depuis sa formation jusqu'en 1919 (Imprimerie de La République - Brive, 1920, document consulté sur Internet). ===>
Comme vous en avez l'habitude, les images ont été ajoutées par nos soins aux textes d'origine. Et comme vous en avez l'habitude aussi, quelques unes sont de très mauvaise qualité, mais elles ont le mérite d'exister.

A noter que, selon les sources le retour des premiers éléments du 126 a eu lieu soit le 2, soit le 27 juillet 1919. Nous pencherons pour cette dernière date.... en fait, nous en avons la certitude (à la base des divergences, une banale erreur de composition typographique dans la dernière source que nous citons, mais depuis 1920, tous les chercheurs recopient la date erronée).


BRIVE DANS L'ATTENTE DU RETOUR DE SES ENFANTS
(La République n° 6372 - Doc. Archives départementales de la Corrèze)

"Le retour d'un bataillon du 126 à l'effectif de 100 hommes, 9 officiers et 30 chevaux, était annoncé samedi pour le lendemain dimanche. Le débarquement devait avoir lieu à la gare d'Ussac, soit une dizaine de kilomètres à faire à pied; arrivée à Brive par le pont Cardinal, après réception par les autorités [NDLR : l'arrivée en gare de Donzenac avait aussi été envisagée].
Dans la soirée de samedi, des nouvelles contradictoires circulaient : l'arrivée aurait lieu le soir même; on débarquerait à Estavel, etc. Officiellement on ne savait rien de précis.
En attendant, les habitants des artères sus-indiquées posaient activement des décorations et pavoisaient leurs demeures, l'avenue de Paris se distinguait particulièrement.

Décorations du bas de la rue de l'Hôtel de Ville et de l'épicerie Cantegrel.
(Col. Maryse Chabanier)

D'autre part, le comité qui avait ouvert une souscription pour organiser une fête, a reçu bon accueil du public. Il a pensé que cette fête ne pouvait avoir lieu le jour même de l'arrivée du régiment, les hommes, fatigués par un long voyage, ayant besoin de repos. Cette fête est remise au dimanche suivant, 3 août [en fait, ce sera le 10 août, NDLR]. Ce jour là, fête du 126, avec grande revue, vin d'honneur, visite au cimetière, concerts variés, etc.
Enfin, le Comité a l'intention avec le produit de la souscription, d'améliorer le menu des soldats à la caserne. Il propose encore que les familles invitent à leur table un ou plusieurs poilus, afin de faire revivre en eux la vie de famille dont ils sont sevrés depuis longtemps. A cet effet, des cartes sont mises à la disposition du public, sur lesquelles chacun inscrira le nombre de soldats qu'il désire recevoir. Ces cartes seront recueillies et remises au colonel qui désignera lui-même les soldats les plus dignes.

LES PREMIERS RETOURS
(La République n° 6372 - Doc. Archives départementales de la Corrèze)

Dimanche matin 27 juillet, le premier détachement du 126e d'infanterie, à l'effectif d'un demi bataillon, est arrivé à Brive, avec le drapeau du régiment et la musique, à 8 h 30, par train spécial. Il a été reçu à la gare par les autorités. Le colonel Larrieu a fait la présentation et rappelé la vaillante conduite du régiment.



Le Lieutenant-Colonel Pierre Larrieu (1866-1939) avait pris le commandement du 126e RI, démuni de Chef de Corps, après la fin des combats, le 6 juin 1919.

Il commandait auparavant le 326e RI, régiment constitué à Brive au début de la guerre, à partir des réservistes du 126, et qui lui aussi s'était couvert de gloire pendant le conflit.

Sur cette photo il présente le drapeau du 326e RI.  ===>

(Doc. transcription de l' "Historique du 326e RI", consulté sur Internet)

M. Bos, maire de Brive a répondu en ces termes :
"Mesdames, Messieurs, Mon Colonel,
Au nom de la Ville de Brive, de son Conseil municipal, des Sociétés de Mutilés, Combattants, Vétérans et de la
Croix-Rouge, je vous souhaite, ainsi qu'à votre brave régiment, le glorieux 126e, la plus cordiale des bienvenues.
Autant nos cœurs étaient étreints par l'angoisse, le 5 août 1914, lorsque nous vîmes partir pour la frontière et courir au devant de la mitraille la fleur de notre jeunesse, autant aujourd'hui nous débordons de joie et d'allégresse pour fêter le retour triomphal.
Nous nous inclinons respectueusement devant son drapeau qui a fait flotter ses plis victorieux de la Belgique à l'Adriatique.

Antoine Bos, Maire de Brive du 19-05-1912 au 11-12-1919 ===>

Et vous, soldats intrépides et courageux, héros des Éparges, de Neuville-Saint-Wast, du Chemin des Dames, d'Asiages, la Ville de Brive est fière de vous recevoir; vous avez protégé nos foyers, sauvé la France, vous avez droit à toute notre reconnaissance. Vive le 126 ! Vive notre Armée victorieuse et libératrice !"

Les poilus défilent dans la cour de la gare (Collection particulière).

M. Sibra, notre sous-préfet, a au nom du Gouvernement de la République, souhaité la bienvenue à notre vaillant régiment dont la conduite pendant la guerre a été digne des hommes qui le composent. Il a dit combien la population briviste était heureuse de recevoir "ces braves" pour qui l'accueil le plus chaleureux était réservé.

Le défilé en ville a suivi, avec repas sur la Guierle, avant l'entrée à la caserne. Bien que l'heure d'arrivée ne fut connue que le matin seulement, la population s'est portée au devant des braves poilus et les a accompagnés sur tout le parcours, manifestant son enthousiasme patriotique.


LE RETOUR DES DÉTACHEMENTS SUIVANTS
(La République n° 6372 - Doc. Archives départementales de la Corrèze)

Un deuxième détachement du 126, formant avec celui arrivé hier, un bataillon entier, a débarqué en gare de Brive vers trois heures de l’après-midi.

Cette carte-photo (dont nous n'avons pas la légende), avec des soldats dans la cour de la gare de Brive,
pourrait bien être celle d'un détachement du 126 de retour à Brive en 1919 (Doc. delcampe.net).

Après une longue pause en gare, le détachement a défilé dans les rues de la ville, précédé de la musique militaire et des Touristes, puis est rentré à la caserne.
Comme le matin, des bouquets ont été offerts aux officiers par des jeunes filles, avant le départ. Sur tout le parcours une foule énorme acclamait les poilus et les couvrait de fleurs.
Par une attention heureuse, les hommes avaient été débarrassés de leurs sacs pour défiler sous la canicule.

L'Historique du 126e RI" ajoute en outre, sans plus de précisions : "Le bataillon de Schawz (commandant Jeanrot) arrive le 31 juillet".

LE RETOUR DU RÉGIMENT VU ET COMMENTÉ PAR MARGUERITE GENÈS
(Doc. Archives municipales de Brive)

"Le 126 revient d'Italie, mais par détachements espacés, ce qui nuit à la réception. Les autorités, les notabilités vont pourtant recevoir à la gare le premier bataillon rentré. Les dames de la ville, celles de la Croix-Rouge en tête, arrivent dans la cour avec des fleurs; beaucoup font offrir les bouquets par leurs enfants. Les hautes grilles ne s'ouvrent qu'aux fonctionnaires, aux notables. La foule massées derrière, tout le long de l'avenue, subit sans perdre sa bonne humeur une longue attente en plein soleil. Coups de clairons, Marseillaise; Les Voilà ! Compliments, remerciements. Tout le monde étouffait sous un soleil brûlant, et les soldats étaient fourbus de leur long voyage dans des wagons surchauffés; mais personne ne sent plus maintenant ces malaises. Drapeau en tête, le détachement sort de la cour. Le soleil d'Italie a bruni nos braves : ce sont des hommes de Bronze sous des casques d'acier. Des jeunes filles leur jettent ou leur tendent des fleurs. "Du pinard !" crient en riant des troupiers assoiffés !

La froideur de la foule me surprend. Nul applaudissement, nul bravo. Ce sont des curieux sympathiques mais non des manifestants. Pourtant ces soldats furent à Verdun et viennent du mont Tomba. Les B. et moi nous voulons entraîner les spectateurs. Mais nos battements de mains, nos "Vive les poilus !" ne trouvent pas d'écho. En revanche, un incident grotesque bien dans les habitudes de notre population facétieuse : on a armé  d'un bouquet monstre à rubans démesurés la mère Napoléon et on l'a poussée sur le chemin des officiers à qui elle s'obstine d'offrir tour à tour son gigantesque chou-fleur multicolore.

Marguerite Genès, témoin et commentatrice du retour du 126 à Brive ===>
(Doc. La Vie Limousine du 25-10-1925/gallica.bnf.fr)

Un des motifs qui refroidissent l'enthousiasme, c'est qu'il y a bien peu de partants parmi les arrivants, à peine quelques sergents devenus officiers. On cherche vainement les visages familiers affectionnés. Le colonel ? mort. Les commandants, les capitaines ? morts hélas ! Ceux qui rêvaient de gloire, de galons, couchés sous les champs de bataille, en France, en Italie, ne défileraient plus que pour passer une nocturne revue des Morts, comme dans la ballade.
Pour expliquer leur tiédeur, mes concitoyens m'objectent : "Ce n'est pas aujourd'hui, la réception du régiment."


LA VILLE A LA VEILLE DE LA GRANDE FÊTE DU RÉGIMENT, SELON MARGUERITE GENÈS
(Doc. Archives municipales de Brive)

"SAMEDI 9 AOUT 1919

Demain, réception officielle de nos régiments. Une fièvre s'est emparée de la population ordinairement peu démonstrative : je ne la reconnais plus. Un peu de vanité s'en mêlant, c'est à qui pavoisera le mieux. Toutes les femmes confectionnent des fleurs, des cocardes, tressent des guirlandes groupées devant les [ ?  ] que les adolescents suspendent d'une fenêtre à l'autre. Les plus tristes, les plus noirs recoins ont une parure de fête. Notre grand balcon est [illisible] rampes de roses et nœuds Louis XV en rubans de papier [surmontés ?] de drapeaux comme la chapelle des Invalides, les rues sont [illisible].

Décoration du grand magasin A La Ménagère, au bas de la rue Gambetta.
Sur la banderole, en haut, dans l'angle du bâtiment : "HONNEUR AU 126e".
(Collection particulière)

Sur des banderoles blanches, des inscriptions s'ingénient à crier "Merci", "Victoire", à rappeler le nom des combats fameux auxquels nos régiments ont participé. Des portiques de feuillages et d'armes ouvrent les voies triomphales. Sous les voutes, les enfants enthousiasmés, rêvant qu'ils sont les héros du jour, défilent en cortèges, tambours battants, drapeaux déployés. La petite bande de mon quartier, garçons et filles, conduits par Cécel, dit Phoscao, arbore un étendard symbolique fabriqué par une sœur aînée et qui réunit ceux de tous les alliés. Écorchant des lambeaux de Marseillaise et de Madelon, la petite troupe passe et repasse au pas de charge sous les berceaux fleuris, grisée de ses exploits et de sa gloire imaginaire ! Les poilus qui circulent amusés et flattés de ces apprêts, camouflent comme toujours leurs sentiments de gouaillerie.

LA FÊTE, LE 10 AOUT 1919
(La République n° 6374 - Doc. Archives départementales de la Corrèze)

"[...] Dimanche, dés 7 heures du matin, la population briviste s'est rendue sur notre vaste Guierle où devait se dérouler le défilé de nos braves poilus en présence de M. le général Niessel, commandant la 12e région qui avait bien voulu accepter l'invitation de la municipalité. [...] Les troupes sont massées sur la Place du XIV Juillet. Les autorités, précédées des "Touristes", de la "Sainte-Cécile" et de "La Gaillarde" arrivent à la tribune officielle, où prennent place M. Sibra sous-préfet, son chef de cabinet M. Larenaudie, MM. Mallet et Bourdoux, adjoints, Laurier conseiller général, des fonctionnaires des diverses administrations, la Presse, etc., etc. Les Sociétés de la Ville avaient aussi répondu à l'appel et toutes étaient présentes. Les enfants des écoles étaient massés devant le Château-d'eau et c'était une haie vivante qui se mouvait, agitant au passage des troupes de nombreux drapeaux aux couleurs alliées. Une place d'honneur avait été réservée au bas de la tribune officielle pour les veuves de la guerre et le mutilés.

Les accents de la Marseillaise se font entendre. Le général Niessel arrive sur le terrain de la revue. Son allure martiale, son regard vif, sa figure souriante lui attirent tout de suite les sympathies de la foule qui lui fait une ovation dont il parait être touché. Il vient d'abord saluer les autorités qui lui souhaitent la bienvenue et la cérémonie commence.

Le Général Albert Niessel photographié là le 1-1-1928 ===>
(Doc. gallica.bnf.fr - photo agence de presse Rol)

C'est le salut aux drapeaux des 326e d'infanterie, 95e et 295e territoriaux. Puis a lieu la remise des décorations qui sont les suivantes :
- Lieutenant-colonel Larrieu, commandant le 126 : Commandeur de la Légion d'Honneur;
- Aumônier militaire Bourdoux de la 24e D.I. : Chevalier de la Légion d'Honneur.

Suit une longue liste de décorés de la Médaille militaire, de la Croix de Guerre ou de la Médaille de la Reconnaissance Française, que nous vous épargnerons.

















Sur la Guierle, décoration du Colonel Larrieu (à gauche)  et de l'abbé Bourdoux (à droite), par le Général Niessel.
(Doc. Historique du 126° RI, déjà cité)

La foule applaudit les nouveaux décorés, tout en restant recueillie lors de la remise des décorations posthumes. On a partagé la douleur de ceux qui reçoivent les insignes de la Médaille militaire ou de la Croix de guerre de leurs disparus. Le Général, paternellement, leur donne l'accolade, geste trouvé admirable par tous.

L'instant est solennel : une fillette, Melle Vaudin, remet le drapeau du 126, drapeau offert au nom de la Ville de Brive par le Comité de la Croix-Rouge. A cette occasion, Melle Vaudin a débité des vers de notre dévoué collaborateur M. Pierre Verlhac. [...] Ce drapeau, d'un goût tout particulier, a été brodé avec art par Melle Albert.

Puis des fillettes et des petits garçons de la classe 34, sous la conduite de Mme Lacoste, présidente de la Croix-Rouge, remettent des fleurs au Général, au Colonel et au Porte-drapeau de notre glorieux emblème. Une même cérémonie se déroule pour la remise, par Melle Dufraisse, du drapeau offert à la section des blessés et mutilés de la ville de Brive.
Ici, un incident émouvant se produit. L'adjudant Lagarde, du 126, aveugle à la suite d'une violente blessure reçue au début de la guerre, demande au général Niessel l'autorisation d'embrasser le drapeau de son cher Régiment. Le Général ému lui-même jusqu'aux larmes conduit ce brave soldat embrasser le glorieux emblème. Simple incident, mais qui a ému tous les assistants.

Avant le défilé, le général Niessel fait remettre les soldats en cercle et leur adresse quelques mots. Ce n'est pas le supérieur qui cause, c'est le père de famille s'adressant à ses enfants. Il les félicite de leur vaillante conduite et les engage à rester unis dans la Paix comme ils l'ont été dans la Guerre. Il est vivement applaudi.

<=== Le défilé des troupes, derrière le Général Niessel à cheval. Une foule compacte y assiste.
(Doc. Historique du 126e RI, déjà cité).

Puis commence le défilé. Nos soldats, à l'allure altière, passent au galop devant les autorités et les nombreux spectateurs qui applaudissent à tout rompre et qui saluent bien bas les drapeaux. Ils regagnent la caserne en passant par les grandes artères, les arcs de triomphe, suivis d'une foule qui ne cesse de les acclamer.
La cérémonie est terminée. Les soldats vont se reposer en attendant l'heure du déjeuner qui a été amélioré. Ils ont eu du vin, des liqueurs et des cigares. La satisfaction et la joie étaient sur tous les visages.


A 10 h 1/2, un vin d'honneur était offert par la Municipalité à M. le général Niessel, au colonel Larrieu et aux officiers de la garnison. Nous y avons remarqué les mêmes personnages officiels qui avaient assisté à la revue. Y étaient aussi un sous-officier, un caporal et un soldat désignés par leurs camarades, ainsi qu'une délégation des Combattants et des Mutilés. M. Mallet [Paul Mallet, Adjoint au maire et par ailleurs commerçant -droguiste et épicier- installé place Krüger - NDLR], remplaçant M. le Maire retenu par un deuil de famille prend le premier la parole [...] pour un long discours qui sera suivi de celui du général Niessel; après avoir remercié la population briviste de l'accueil qui lui est fait, il lèvera son verre en l'honneur du glorieux 126, de ses hommes, et de la France.

A midi, un déjeuner fort bien servi par le vatel briviste, M. Thalamy [le propriétaire du Grand Hôtel de Bordeaux, NDLR], était offert au général Niessel qui présidait, ayant à ses cotés MM. Sibra sous-préfet, Mallet et Bourdoux adjoints, quelques Conseillers municipaux et fonctionnaires, le Docteur Priolo président de la Société de Géographie, des officiers, deux sous-officiers et deux soldats, etc.
La musique militaire a joué pendant le repas. [...]

C'est encore M. Mallet qui a pris la parole au nom de la Ville de Brive. Voici un court extrait de son discours, alors qu'il s'adressait au Général :
"Je tiens à vous remercier de l'honneur que vous avez fait à la ville de Brive en venant par votre présence rehausser l'éclat d'une fête qui tenait tant au cœur de la population. Nous y voyons une preuve de votre attachement à notre glorieux régiment et de sympathie bienveillante pour notre ville. Je tiens aussi à vous remercier, Mon Général, des paroles de bonté et de réconfort adressées à nos malheureux mutilés et blessés ainsi qu'aux familles frappées par la perte de leurs enfants morts au service de la France. [...]"
Suivront les interventions du sous-préfet Sibra, du général Niessel, et de Mr Escande au nom des Combattants.

Le déjeuner terminé le général se retire, accompagné de tous les convives qui le suivent jusqu'à sa voiture pour le saluer une dernière fois.

Un Poilu de 1914/1915 ===>
Dessin illustrant la retranscription de l'Historique du 326e RI.
(Doc. Internet)

A 3 heures, place Thiers a eu lieu une séance de gymnastique avec le concours des "Touristes". Une foule énorme, malgré la chaleur accablante qu'il faisait, était venue applaudir nos braves gymnastes qui ont bien travaillé, sous la direction de leur excellent et dévoué moniteur M. Madur.

A 4 heures 30, les diverses délégations des Sociétés, les Combattants, les Mutilés et fonctionnaires se réunissaient à la sous-préfecture où, de là, sous la conduite de M. le sous-préfet et des adjoints, du Colonel Larrieu et des Officiers, ils se rendaient au cimetière pour apporter l'Hommage aux Morts. Une palme offerte par les Combattants et Mutilés, des fleurs offertes par la Municipalité et le Souvenir français ont été déposées sur le Monument élevé à la mémoire de nos soldats Morts pour la Patrie. M. Escande, Président des Combattants a adressé l'adieu suprême à nos morts de la Grande Guerre .[...] M. de la Leyssonie, président du Souvenir français a également adressé l'hommage ému de tous les assistants pour nos braves tombés au champ d'honneur. La musique militaire, qui assistait à cette pieuse cérémonie, a joué la Marche de Chopin.
Puis le Colonel, le sous-préfet, les officiers et toutes les autorités sont venus saluer le monument, apportant eux-mêmes l'hommage dû à nos soldats morts pour la France." 

A l'époque, seul le Monument aux Morts de la guerre de 1870-1871 existait. Nous n'en savons pas grand chose, sauf qu'il a été inauguré le 25 juillet 1881; le journal Le Corrézien du 30 juillet le décrit comme suit : "Ce monument se compose d'une croix de grande dimension en pierre blanche sculptée, représentant un tronc de chêne auquel est suspendu un glaive dont la lame est brisée. Cette croix surgit d'un énorme rocher formé de blocs d'amphibolite, et qui porte sur sa face principale cette inscription : Ils sont morts pour la patrie. Priez pour eux. 1870-1871". Il était encore en place en 1936. Selon les renseignements recueillis par Mr Fumeron, ancien Secrétaire de l'association "Le Souvenir français", qui a participé à nos recherches, il pourrait avoir été situé à droite de l'allée qui mène à l'ancienne chapelle, actuel local des gardiens du cimetière, mais sans certitude absolue.

Une vue de l'allée qui mène à la conciergerie du cimetière (dans le fond).
(Cliché JPC du 9-3-2021)

Retour vers la suite des festivités.
"A 6 heures, au square Majour, nos braves tapins [NDLR : en argot militaire, tapin = tambour, l'instrument et le batteur], malgré la fatigue de la veille et de la journée, ont donné un concert qui a été bien apprécié par le public, qui s'était rendu nombreux pour les entendre. Les applaudissements ne leur ont pas été ménagés.
Le soir, le Concert de la Guierle joué par la Musique militaire et la "Sainte-Cécile"; les deux séances cinématographiques données par Les Nouveautés et le Cinéma-Théâtre Municipal, avaient attiré une foule tellement compacte qu'il était impossible de circuler.
Puis vint la retraite donnée par nos braves "Touristes" et nos Musiciens militaires, toujours suivie par la jeunesse briviste, et la fête s'est terminée par de nombreux bals, Pont Cardinal, place de la Mairie et place Thiers qui ont duré jusqu'à une heure avancée de la nuit.
Tout s'est passé dans l'ordre et le calme le plus parfait." 


En guise de conclusion de ce sujet, nous emprunterons celle de l'Historique du 126e RI :
"Il manquait malheureusement à cette fête du retour, le bataillon Paolo qui se morfondait à Puget-sur-Argens.
Il y manquait aussi beaucoup de nos camarades démobilisés, retenus loin de nous par leurs occupations. Il y manquait surtout tous ceux qui dorment dans les cimetières de Névraumont, de Blagny, de Yoncq, de Chatelraoult, d'Auberive, de la Ferme des Marquises, de Règneville, de Mouilly, de Neuville-Saint-Waast, de Verdun, de Paissy, de Barieux et d'Asiago.
Mais vous étiez quand même parmi nous, vous étiez partout, vous emplissiez tous les cœurs, vous étiez dans les regards de vos camarades de combat qui vous voyaient encore courir [...] et c'est vous qu'ils voyaient quand vos épouses, vos parents, vos enfants en deuil recevaient la Croix de guerre ou la Médaille militaire, récompense de votre héroïsme."

(15 mars 2021)
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