Le quartier d'Estavel se développe très rapidement après l'arrivée du chemin de fer à Brive, et avec l'installation du grand dépôt des machines à vapeur dans le voisinage. De nombreux cheminots s'installent alors au plus près de leur travail et construisent là leur petite maison. Pour se rapprocher de cette nouvelle population, le chanoine Gabriel Argueyrolles, curé de Saint Sernin fit édifier en 1913 une chapelle sur des terrains donnés par la famille de Salvandy. C'est en 1933 que ce vaste lieu de culte devient le siège d'une paroisse indépendante. L'abbé Jean Alvitre, alors premier vicaire à Saint-Sernin, en devient naturellement le tout premier curé. Et la chapelle devient l'église Notre-Dame d'Estavel.

C'est aussi lui qui eut l'idée d'installer là un cinéma. Il en confia la direction à un civil, Mr Hilaire Sermadiras, ancien technicien du Rex, à qui il prêtera sa salle gracieusement. L'Estavel-Cinéma familial était né.
Cependant les activités propres à la paroisse se poursuivaient conjointement dans les mêmes locaux.

 

L'hebdomadaire La Croix de la Corrèze évoque ce démarrage le 7 décembre 1934, dans son numéro 2150 du 9 décembre :
« La nouvelle salle de cinéma d'Estavel, la salle Saint Gabriel, ouvre ses portes cette semaine avec Knock, un film de toute beauté tiré de la pièce célèbre de Jules Romain qui obtint au théâtre un succès triomphal. Ce programme agrémenté de compléments de choix, sera donné [à nouveau] samedi 8 décembre à 20 h 30, et dimanche 9 à 15 h et à 20 h 30. Un service d'autobus sera organisé pour les spectateurs de la ville. Les départs auront lieu place de l'Hôtel de ville. Retour à la fin des représentations.
Il est recommandé de retenir ses places à l'avance ».

"Knock ou le triomphe de la médecine", est un film de Roger Goupillières et Louis Jouvet, sorti en salles le 3 novembre 1933, avec Louis Jouvet, Madeleine Ozeray, Pierre Larquey... Il avait été pour partie tourné à Uzerche. Il s'agissait là de la première version du film, tournée en noir et blanc, muette, mais accompagnée d'une musique composée par Jean Wiener.

<=== Le compte-rendu de l'inauguration, plutôt concis, dans le numéro 7369 daté du 16 décembre 1934, de l'hebdomadaire La République (Doc. AD19 - cote 62Pr 42)

Les programmations de fin d'année  ===> (La République numéro 7370 du 23-12-1934 - Doc. AD19 cote 62Pr 42)

Dans un numéro ultérieur de La Croix, Mr Sermadiras "assure  que les films qu'il projette donnent toute garantie aux familles désirant des spectacles gais et honnêtes". Il précise aussi que, contrairement à une rumeur qui circule dans la ville, son matériel de projection, loin d'être obsolète, est du tout dernier cri.

Le confort de la salle est au départ un peu sommaire : seuls des bancs de bois permettront aux spectateurs de s'assoir. Des sièges plus confortables seront par la suite installés, et un bar sera même mis à la disposition du public.  Le service d'autobus à partir du centre ville perdurera pour chaque séance, avec des arrêts en cours de route. L'établissement proposera en outre des vestiaires et le garage pour les voitures, le tout gratuitement.

En 1945, Mr Sermadiras est remplacé par Mr Maxime Raynaud. Celui-ci cesse ses fonctions le 31 mai 1947, et le cinéma revient à la paroisse et à l'abbé Alvitre.

La commission communale de sécurité qui a visité l'établissement le 23 juillet 1947, note dans son rapport :

"La salle de spectacle ne possède pas de balcon surélevé. On y accède par l'intermédiaire d'un couloir suffisamment large pour permettre un dégagement facile. La cabine de l'opérateur est située à l'extérieur de la salle de spectacle et l'opérateur y accède au moyen d'un court escalier donnant directement vers l'extérieur. Elle se compose de la cabine de projection et de la cabine de rebobinage".

L'abbé Alvitre ne pouvant sans doute pas faire face à toutes ses responsabilités, les projections de films seront interrompues pendant quelques mois. A partir de mars 1948, Mme Léa Dubayle prend la direction de l'établissement et rouvre la salle qui prend le nom de Ciné-Vogue d'Estavel. 

Et malheureusement, c'est là, brusquement, que s'arrête notre récit, faute pour nous d'avoir trouvé la suite dans les archives ou dans la presse d'époque ! A moins que la tentative de Mme Dubayle n'ait, dès le début, sombré dans les abimes ?

<=== Programme des cinémas de Brive dans La Croix de la Corrèze n° 2374 du 5 mars 1939 : L'Estavel-Cinéma est en tête (Doc AD19 - cote 68Pr 36ter).